Depuis plus de soixante ans, la Ford Mustang traverse les décennies sans jamais raconter la même histoire. Elle change de lignes, de moteurs, de technologies. Mais surtout, elle change de discours. Et ce discours, Ford l’a toujours confié à un outil particulier : les publicités Mustang.
Observer l’Amérique à travers les publicités Mustang
Il m’arrive d’ailleurs régulièrement de m’y replonger. Pas par nostalgie gratuite, mais parce que certaines de ces publicités racontent bien plus que des voitures. L’une d’elles me revient souvent en tête. Un garage. Un père et son fils, Ethan. Une Mustang de 1965 rouge. Le moteur hésite, peine à se lancer. Puis, soudain, le V8 s’ébroue dans un rugissement franc. La musique démarre. Les deux hommes se regardent et sourient, comme si quelque chose venait de passer, silencieusement, de l’un à l’autre.
Bien plus qu’un simple support marketing, la publicité automobile est une archive culturelle. Elle révèle ce qu’une époque valorise, ce qu’elle craint, ce qu’elle espère. En observant les publicités Mustang à travers les âges, on ne voit pas seulement évoluer une voiture : on observe l’Amérique se regarder dans le miroir, décennie après décennie.
Huit publicités Mustang pour raconter une époque
En 1964, la Mustang promet l’évasion hors d’un quotidien trop bien réglé. Dans les années 70, elle tente de rassurer dans un monde frappé par la crise. Les années 80 la transforment en objet de style, les années 90 la figent dans une nostalgie prudente. Au début des années 2000, elle devient un héritage à transmettre. Puis, à l’ère de la mondialisation et de l’électrification, elle s’affirme comme un symbole qui refuse de s’effacer.
Cet article propose de revenir sur huit publicités Mustang marquantes, de la Mustang originelle de 1964 à la Dark Horse de 2025. Huit films courts, choisis non pour leur exhaustivité, mais pour ce qu’ils disent de leur époque…
L’Amérique optimiste et la promesse d’une autre vie (1964–1973)
Au milieu des années 1960, l’Amérique respire la confiance. Les banlieues s’étendent, la classe moyenne s’installe durablement et l’avenir semble écrit d’avance. En 1965, la croissance dépasse les prévisions les plus optimistes, renforçant la foi dans le modèle démocrate et dans une prospérité que beaucoup pensent acquise. Le quotidien est stable, confortable… parfois trop.
Une publicité fondatrice : changer de vie sans tout quitter
C’est dans ce contexte que Ford lance l’une des premières publicités marquantes de la Mustang.
La vidéo s’ouvre sur Henry Foster, un petit antiquaire à lunettes, vêtu d’un costume sombre, quittant son échoppe comme il le fait chaque jour depuis dix-sept ans. La voix off, volontairement monotone, insiste sur cette routine immuable. Henry est un homme d’habitudes, figé dans un quotidien confortable mais prévisible. Puis, récemment, quelque chose a changé. Les gens le disent. Il lui est arrivé quelque chose.
Progressivement, les signes de cette transformation apparaissent à l’écran. Henry troque ses lunettes de vue pour des lunettes de soleil, remplace son chapeau ordinaire par un modèle de week-end et abandonne sa veste sombre pour laisser apparaître un gilet rouge. En parallèle, la musique évolue, la voix off se fait plus légère. Le ton de la publicité change.
La Mustang comme déclencheur de transformation personnelle
La Mustang entre alors en scène. Henry monte à bord de sa Mustang Fastback 2+2 rouge, démarre en sifflant et quitte la ville. Pendant le trajet, la voix off prend le temps d’expliquer ce qu’est un modèle « 2+2 », soulignant que la Mustang reste une voiture accessible et adaptée à la vie quotidienne. Mais le décor, lui, s’ouvre peu à peu : les rues laissent place aux champs, la route s’étire, l’horizon se dégage.
Henry arrive finalement dans un champ où l’attend sa bien-aimée, un pique-nique déjà installé. Il jette son chapeau en l’air et se précipite dans ses bras avant de l’embrasser. Les dernières images montrent des chevaux galopant librement, tandis que la voix off conclut :
« Why don’t you change your life? Take a Mustang out for lunch tomorrow. »
Le message est limpide. La Mustang n’est pas vendue comme une machine de performance, ni comme un symbole de richesse. Elle est présentée comme un levier de transformation personnelle. Une voiture capable de faire basculer une existence trop bien ordonnée vers quelque chose de plus vivant, de plus moderne, de plus désirable.
Avec le recul, la publicité paraît forcément datée. Elle a plus de soixante ans, et le monde a profondément changé. Pourtant, son efficacité reste évidente. À l’époque, la Mustang incarne une promesse simple mais puissante : celle de se remettre au goût du jour, sans renier son confort ni sa place dans la société. Henry Foster ne fuit pas sa vie. Il l’élargit.
Dans cette première publicité, la Mustang est avant tout un objet de désir, mais un désir accessible, presque raisonnable. Elle n’écrase pas le quotidien. Elle l’éclaire. Et c’est peut-être pour cela que, dès ses débuts, elle s’impose comme bien plus qu’une voiture : comme une idée.
Crise, doute et repositionnement : la Mustang face aux années 70 (1974–1978)
Au milieu des années 1970, l’Amérique n’est plus la même. Le choc pétrolier a brutalement rappelé les limites du modèle de croissance, et l’automobile, longtemps symbole de liberté, devient soudain un sujet de contraintes. Malgré quelques indicateurs économiques en amélioration en 1976, le chômage reste élevé et la confiance collective est ébranlée. Les grosses cylindrées ne font plus rêver comme avant. Il faut s’adapter.
C’est dans ce contexte que Ford présente la Mustang II, une voiture plus compacte, moins puissante, et souvent perçue comme une rupture avec l’esprit originel du modèle. La publicité choisie illustre parfaitement ce moment de flottement et la manière dont Ford tente de redéfinir l’image de la Mustang.
Vendre du mouvement dans un monde contraint
La vidéo s’ouvre sur une succession rapide de scènes sportives. Des joueurs de baseball, des coureurs, des adeptes de planche à voile se succèdent à l’écran. L’énergie est immédiate. La musique, typique des années 70, est entraînante et rythmée. Très vite, une Mustang apparaît dans un virage, suivie d’un plan sur un couple se promenant à cheval sur la plage. La Mustang Cobra II entre en scène, puis d’autres silhouettes de la gamme se succèdent.
Les images alternent entre activités sportives, paysages ouverts et plans dynamiques de la voiture. À l’écran, un slogan s’impose :
« Mustang II – Boredom 0 ».
La voix off énumère ensuite les différentes versions disponibles — MPG, Ghia, Hatchback 2+2, Stallion, Cobra II — avant de conclure sur une invitation à se rendre chez son concessionnaire Ford. La publicité se termine sur un homme sortant de l’eau après une séance de water-polo. Sur son t-shirt, le message est clair : Mustang II – Boredom 0.
Quand la Mustang doit se justifier
Dans une période marquée par les restrictions et la remise en question, Ford ne cherche plus à vendre de la puissance brute. La Mustang II est présentée comme une voiture dynamique, associée au sport, au mouvement et à un certain art de vivre actif. Il ne s’agit plus de dominer la route, mais d’éviter l’ennui.
Cette publicité trahit aussi une forme de justification. Ford insiste, presque lourdement, sur le fait que la Mustang II n’est pas une voiture fade. Le slogan agit comme une réponse anticipée aux critiques. Moins spectaculaire que sa devancière, elle cherche sa légitimité dans le dynamisme et le style de vie plutôt que dans la performance.
Cette Mustang II reste aujourd’hui un modèle controversé chez les passionnés. Pourtant, elle a aussi profondément marqué la culture populaire. C’est notamment la Mustang de la série Drôles de Dames. Deux modèles distincts y furent utilisés, conduits par deux des trois héroïnes principales, ancrant durablement la Mustang II dans l’imaginaire télévisuel des années 70.
Moins puissante, plus compacte, souvent critiquée, elle était pourtant la bonne voiture au bon moment. À une époque où l’excès n’était plus de mise, Ford proposait une Mustang capable de survivre dans un monde contraint, sans renier totalement son image.
Avec le recul, cette période reste l’une des plus délicates de l’histoire de la Mustang. Mais dans le paysage des publicités Mustang, elle marque un moment clé : celui où le modèle cesse d’incarner une évidence et doit, pour la première fois, se réinventer pour survivre.
Modernité, excès et image : la Mustang dans l’Amérique des années 80
À la fin des années 1970 et au début des années 1980, l’Amérique traverse une période paradoxale. La récession de 1981–1982 est l’une des plus sévères depuis la Grande Dépression, avec un taux de chômage dépassant les 10 %. Pourtant, dans l’imaginaire collectif, un autre récit s’impose progressivement : celui de la réussite individuelle, du dynamisme urbain et d’un optimisme volontairement affiché. Les années 80 assument leurs excès, leurs couleurs et leur énergie.
La publicité de la Mustang choisie pour cette période s’inscrit pleinement dans cet esprit.
La Mustang comme compagne de la vie urbaine
Dès les premières secondes, un panneau piéton affiche « DON’T WALK », avant de basculer soudainement sur « WALK ». La musique démarre immédiatement, rythmée et entraînante. Une voix chantée annonce l’arrivée de la Ford Mustang, et la caméra découvre une jeune secrétaire quittant sa Mustang jaune, vêtue de couleurs vives typiques de l’époque. Elle entame sa journée de travail en chantant, bientôt rejointe par d’autres personnages qui partagent ce même rythme effervescent.
En quelques plans, sa journée professionnelle défile. Le travail est montré comme répétitif, presque mécanique. Lorsqu’un responsable lui demande de prolonger ses horaires, elle refuse sans hésitation et reprend la route. La Mustang redevient alors le centre de gravité du récit : elle n’est plus seulement un moyen de transport, mais un espace de respiration. Une voix off intervient brièvement pour rappeler que la Mustang est conçue pour la route et pour ceux qui la conduisent.
La voiture traverse ensuite la ville, passe près d’un parc, embarque sur un ferry et met le cap sur New York. Les décors urbains dominent, renforçant l’idée d’une Mustang parfaitement intégrée à la vie moderne et citadine.
Affirmation personnelle et culte de l’image
Cette publicité ne cherche pas à détailler les caractéristiques techniques du modèle. Elle met en avant un mode de vie. La Mustang devient le symbole d’une génération active, pressée, mais désireuse de conserver une forme de liberté face aux contraintes du travail salarié, le fameux « 9 to 5 ». Le slogan — « Stand back, the street belongs to GT » — s’inscrit dans cette logique d’affirmation, presque d’appropriation de l’espace urbain.
Mon intérêt personnel pour cette publicité reste mesuré. Elle me touche moins que d’autres périodes plus émotionnelles ou plus narratives. Mais elle est parfaitement représentative de son époque. Les couleurs, la musique, le ton volontairement joyeux traduisent une Amérique qui cherche à reprendre confiance, quitte à masquer les difficultés économiques par une image dynamique et assumée.
Dans cette séquence des publicités Mustang, la voiture n’est plus un déclencheur de changement de vie, ni un héritage à transmettre. Elle devient un outil d’affirmation personnelle, une compagne du quotidien pour celles et ceux qui veulent avancer, décider et reprendre le contrôle de leur temps — même symboliquement.
Identité brouillée et nostalgie en filigrane (1994–2004)
Au début des années 1990, l’économie américaine retrouve progressivement de la stabilité. En 1993, la croissance dépasse les 3 %, portée par une reprise tangible et une confiance retrouvée. Pourtant, dans l’imaginaire collectif, quelque chose a changé. L’Amérique regarde moins vers l’avenir et commence à se tourner vers son passé. Les certitudes des décennies précédentes s’effritent, et les grandes icônes culturelles cherchent à redéfinir leur identité.
La publicité de la Mustang retenue pour cette période illustre parfaitement cette hésitation.
Regarder en arrière pour avancer
La vidéo débute par une inscription simple : « It was ». À l’écran, un gros plan sur un détail de Mustang de 1965 apparaît. Puis vient « It is », accompagné du même élément sur une Mustang de 1994. Les fausses prises d’air latérales, les feux arrière en trois parties, la calandre ornée du cheval au galop… les images se répondent, établissant un parallèle direct entre la Mustang originelle et sa descendante moderne.
Après cette comparaison visuelle, la caméra découvre une femme au volant d’un cabriolet Mustang de 1994. Les cheveux blonds flottent au vent tandis que la voiture roule sur des routes ouvertes, puis longe une plage. La mise en scène est épurée, presque neutre. La musique accompagne le mouvement sans jamais s’imposer. Puis, la voix off conclut sobrement :
« The all-new Ford Mustang. It is what it was… and more. »
Le message est clair, mais prudent. Ford ne cherche pas à révolutionner le mythe Mustang. Il s’agit avant tout de rassurer. La Mustang des années 90 est présentée comme fidèle à ses origines, tout en s’inscrivant dans son époque. Elle est ce qu’elle était, avec un supplément de modernité.
La Mustang devient un patrimoine à préserver
Avec le recul, cette publicité laisse une impression mesurée. Elle est efficace dans son intention, mais peine à susciter une émotion forte. Les images sont propres, les références bien identifiées, mais l’ensemble reste sage. La Mustang semble chercher son équilibre, consciente de son héritage mais hésitante sur la manière de le faire évoluer.
Dans l’histoire des publicités Mustang, cette période marque un moment charnière. La voiture n’est plus seulement un symbole de liberté ou de performance. Elle devient un objet patrimonial, que l’on manipule avec précaution. Ford regarde dans le rétroviseur, non par nostalgie assumée, mais par besoin de continuité, dans une Amérique elle-même en quête de repères.
Le rétro comme renaissance : transmettre plutôt que séduire (2005–2014)
Au milieu des années 2000, l’Amérique est dans une phase particulière. La situation économique est globalement favorable, le chômage recule et l’inflation reste contenue. Mais surtout, le pays sort profondément marqué des attentats du 11 septembre. Les soldats rentrent progressivement au pays, et un fort sentiment patriotique traverse la société américaine. Dans ce contexte, les repères du passé reprennent de la valeur. L’héritage, la transmission et les symboles nationaux redeviennent essentiels.
La publicité choisie pour illustrer cette période s’éloigne volontairement des codes traditionnels de la publicité automobile.
Une publicité sans voiture… ou presque
Le film s’ouvre sur le retour d’un Marine, accueilli à l’aéroport par sa mère et son petit frère. Le ton est calme, presque intime. On sent chez le soldat une forme de retenue, comme s’il peinait à retrouver immédiatement sa place. Une fête est organisée pour célébrer son retour, mais le malaise persiste. Il découvre qu’il a manqué des moments importants de la vie familiale, notamment la naissance de sa petite nièce. Sa famille tente de le rassurer, affirmant combien elle est fière de lui.
Tout au long de cette première partie, une absence se fait sentir : celle du père. Lorsqu’il apparaît enfin, c’est au volant d’une Ford Mustang Sportsroof de 1970 bleue. Le regard est pudique, mais la fierté est évidente. Ensemble, ils évoquent les souvenirs d’enfance, ces moments où le fils rêvait déjà de cette voiture. Le soldat avoue même qu’en l’absence de son père, il passait du temps à l’intérieur de la Mustang, simplement pour écouter de la musique.
Puis vient la scène clé. Le père propose d’aller faire un tour. Le fils demande, presque incrédule :
— « Tu vas me laisser conduire ta voiture ? »
La réponse tombe, simple et chargée de sens :
— « Pas la mienne. La tienne. »
La porte du garage s’ouvre alors sur une Ford Mustang GT 2005 rouge. Le choc est immédiat. L’émotion est palpable, contenue, sincère. Le père lui tend les clés en ajoutant, non sans malice : « Presque aussi belle que la mienne. » Le fils, submergé, ne trouve pas les mots. Son père conclut simplement : « Tu n’as rien à dire. Je suis juste heureux que tu sois rentré. »
Il n’y a pas de voix off. Pas de slogan tapageur. Juste un message final discret :
« We at Ford wish everyone in the Armed Forces a safe return home. For your service, you have our gratitude. »
La Mustang comme lien entre les générations
Dans cette séquence des publicités Mustang, la voiture n’est plus le sujet principal. Elle devient un lien entre les générations, un symbole de reconnaissance et de continuité. La Mustang de 1970 représente le passé, celle de 2005 incarne la transmission. Ford ne vend pas une performance, mais une histoire. Et c’est précisément cette approche qui marque la renaissance de la Mustang à cette époque : en assumant pleinement son héritage, elle retrouve une voix forte et profondément émotionnelle.
La Mustang devient mondiale (2015–2023)
Au milieu des années 2010, l’Amérique aborde une nouvelle phase. La croissance économique de 2015 est la meilleure depuis une décennie, même si l’élan ralentit dès l’année suivante. Mais le contexte a changé plus profondément encore : la mondialisation s’est imposée, les frontières culturelles s’estompent, et l’automobile américaine n’est plus pensée uniquement pour son marché domestique. Pour la première fois de son histoire, la Mustang est officiellement conçue comme un modèle global.
La publicité retenue pour cette période s’inscrit dans cette logique, tout en conservant une forte dimension intime et émotionnelle.
Grandir avec une Mustang
Le film s’ouvre dans un garage. Un père travaille sur une Ford Mustang de 1965 rouge, tandis que son jeune fils, Ethan, peint à ses côtés. Le temps semble suspendu. Le père propose à son fils de l’aider à bricoler sur la voiture, et une relation se construit, faite de gestes simples et de silences partagés. Une voisine, Olivia, passe devant la maison. Les deux enfants se rencontrent.
Les années défilent. Ethan grandit, mais continue de travailler sur la Mustang avec son père. Un jour, la voiture démarre enfin. Adolescent, Ethan en profite pour faire un premier tour au volant, Olivia à ses côtés. Puis, plus tard, un choix difficile s’impose. Ethan vend la Mustang à un couple, leur demandant d’en prendre soin. Lorsqu’Olivia rentre à la maison et constate l’absence de la voiture, Ethan se met à genoux. Il la demande en mariage.
Le temps passe encore. Ethan dessine des voitures, peint, réfléchit. Olivia entre parfois dans son bureau, sur la porte duquel est inscrit un message simple :
« Happiness is a choice. »
Puis, le jour de son anniversaire, Ethan ouvre la porte du garage. Olivia l’attend, au volant d’une Ford Mustang de toute dernière génération, rouge elle aussi. Elle lui souhaite un joyeux anniversaire. Ils repartent ensemble, Ethan au volant, Olivia arborant sa bague de fiançailles.
Ici encore, aucune voix off. La musique accompagne discrètement les émotions sans jamais les forcer. Ford ne cherche pas à expliquer la voiture. Il raconte une histoire de choix, de renoncements et de récompenses.
Choisir, renoncer, puis revenir
Dans cette séquence des publicités Mustang, la voiture incarne tour à tour plusieurs rôles. D’abord un héritage culturel, transmis du père au fils. Puis un objet de désir, que l’on accepte de sacrifier par amour. Enfin, un symbole de réussite, offert en retour, comme une reconnaissance des choix accomplis.
Cette publicité illustre parfaitement la Mustang de l’ère moderne : une icône capable de parler à tous, partout dans le monde, sans renier ses racines. Plus qu’une voiture américaine, elle devient un langage universel, fait d’émotions, de souvenirs et de transmission.
Le mythe revisité : Bullitt comme trait d’union
À la fin des années 2010, l’Amérique regarde clairement en arrière. Les références culturelles des années 60 et 70 reviennent au premier plan, portées par le cinéma, les séries et une nostalgie largement assumée. Dans ce contexte, Ford décide de raviver l’un des mythes les plus puissants de son histoire : Bullitt.
Molly, la petite-fille de Steve McQueen, entre en scène
La publicité de la Mustang Bullitt 2019 est construite comme un jeu de miroirs entre passé et présent.
Le film s’ouvre sur Molly McQueen, petite-fille de Steve McQueen. Elle est au volant d’une Mustang Bullitt 2019, verte et dépouillée, fidèle à l’esprit du fastback 1968 conduite par son grand-père dans le film éponume. La conduite est fluide, maîtrisée. À ses côtés, une Camara avec deux hommes à bord. Le nombre de places disponibles dans le parking passe de 2 à 1, la barrière s’ouvre et les deux voitures s’engouffre. L’une et l’autre veulent la place, mais elles doivent d’abord la trouver. Après plusieurs fausses pistes et l’apparition de la Camaro dans le rétroviseur de la Mustang, Molly finit par trouver la place laissée vaquante et se garer dans un dérapage maîtrisé. Les deux hommes sont déçu et abdiquent.
Le message final apparaît :
« The legend lives on. »
Marcher dans les pas du mythe sans l’écraser
Dans cette séquence des publicités Mustang, Ford ne cherche pas à recréer Bullitt. Il ne tente pas de surpasser le mythe. Il l’accompagne. La présence de Molly McQueen n’est pas anodine : elle symbolise la transmission, non seulement familiale, mais culturelle. La Mustang Bullitt n’est pas une réinterprétation marketing. C’est une passerelle entre deux époques qui se reconnaissent mutuellement.
Cette publicité fonctionne précisément parce qu’elle sait se retenir. Elle s’adresse autant aux passionnés qu’au grand public, en rappelant que certaines icônes n’ont pas besoin d’être réinventées pour rester pertinentes.
Peu de temps avant la sortie de cette Bullitt 2019, le mythe connaît d’ailleurs un rebondissement inattendu. Les deux Mustang utilisées pour le tournage du film Bullitt de 1968 réapparaissent presque simultanément : l’une en 2016 dans une casse mexicaine, et l’autre dans le New Jersey en 2018. Un événement majeur pour les passionnés, sur lequel j’avais moi-même rédigé plusieurs articles à l’époque.
Cette coïncidence renforce encore le message de la publicité : Bullitt n’est pas une reconstitution, mais une continuité vivante.
L’Amérique fragmentée et le retour à la brutalité (2024– )
Au début des années 2020, l’Amérique est un pays traversé par de fortes tensions. Crises sanitaires, divisions politiques, incertitudes économiques, remise en question du rêve américain traditionnel. Dans ce contexte, le discours publicitaire change. Les récits trop lisses perdent de leur crédibilité. Les marques cherchent une forme de vérité plus brute, plus directe.
La Mustang Dark Horse s’inscrit pleinement dans cette rupture. La Mustang Dark Horse, l’un des modèles les plus radicaux de la septième génération, s’inscrit pleinement dans cette rupture. Elle n’est pas la seule expression de cette nouvelle Mustang, mais elle en incarne la facette la plus brute et la plus assumée.
Une Mustang sans récit, mais avec du caractère
Les publicités associées à ce modèle abandonnent presque totalement la narration émotionnelle au sens classique. Ici, pas d’histoire familiale, pas de transmission, pas de nostalgie appuyée. La mise en scène est sombre, tendue, presque agressive. Le son du V8 est central, envahissant. La Mustang 7 est montrée comme une machine prête à dominer la route et le circuit.
Les images alternent entre routes désertes, éclairages nocturnes, accélérations franches et regards déterminés. La Mustang n’est plus un symbole de rêve ou de liberté douce. Elle devient une affirmation de caractère. Une réponse directe à une époque incertaine.
La Dark Horse comme réponse à l’époque
Cette approche reflète une Amérique qui ne cherche plus forcément à convaincre, mais à s’imposer. La Dark Horse n’essaie pas de plaire à tout le monde. Elle s’adresse à ceux qui revendiquent encore une forme de puissance mécanique, presque anachronique à l’ère de l’électrification et des normes environnementales strictes.
Dans cette dernière étape des publicités Mustang, Ford revient à une forme de radicalité. La voiture n’est plus un héritage à transmettre, ni un souvenir à préserver. Elle est un choix assumé, presque provocateur. La Dark Horse incarne une Mustang qui regarde le monde tel qu’il est, sans fard, et qui répond par la force de son identité.
Conclusion
En parcourant ces publicités Mustang, une évidence s’impose : Ford n’a jamais seulement vendu une voiture. À travers la Mustang, la marque a raconté l’Amérique telle qu’elle se voyait, puis telle qu’elle doutait, et enfin telle qu’elle se cherchait.
Dans les années 60, la Mustang promettait une autre vie. Elle incarnait l’optimisme, la jeunesse et la possibilité de s’émanciper sans rompre avec le cadre. Dans les décennies suivantes, elle s’est adaptée aux crises, aux mutations sociales, à l’urbanisation, parfois en s’éloignant de son ADN, parfois en y revenant avec prudence. Chaque génération de Mustang a porté les traces de son époque, jusque dans ses silences et ses hésitations.
Une Mustang, huit publicités, une Amérique en mouvement
Les années 2000 ont marqué un tournant. En assumant pleinement son héritage, la Mustang a retrouvé une voix émotionnelle forte. Elle est redevenue un lien entre générations, un objet de transmission, un symbole plus intime que démonstratif. Puis, avec son ouverture au monde, elle a quitté le simple statut d’icône américaine pour devenir un langage universel, compris bien au-delà de ses frontières d’origine.
Aujourd’hui, avec la Dark Horse, la Mustang semble refermer une boucle. Dans un monde fragmenté, incertain, parfois désenchanté, elle ne cherche plus à rassurer ni à séduire. Elle affirme ce qu’elle est, sans compromis. Une voiture brute, expressive, presque à contre-courant, comme un dernier bastion d’une certaine idée de l’automobile.
Observer l’évolution des publicités Mustang, c’est finalement observer l’évolution d’un pays. Ses rêves, ses contradictions, ses retours en arrière, ses élans et ses ruptures. La Mustang n’a jamais été figée. Elle a avancé avec son époque, parfois en la devançant, parfois en la suivant, mais toujours en dialoguant avec elle.
Et peut-être est-ce là sa plus grande force : ne pas seulement traverser les décennies, mais les raconter.
Pour aller plus loin…
Si ce voyage à travers les publicités Mustang vous a parlé, il se prolonge ailleurs. J’ai regroupé sur ma chaîne YouTube d’autres publicités, parfois absentes de cet article, parfois plus confidentielles, mais tout aussi révélatrices de leur époque. Une autre manière de continuer à observer, image après image, ce que la Mustang raconte de nous et du monde qui l’entoure.



