Il y a plusieurs années maintenant, je me suis passionné pour les Mustang du film Bullitt. Au fil du temps, j’ai enchaîné les articles. Deux pour les deux Fastback 1968 ayant servi au tournage. Ensuite, quelques-uns sur les différentes éditions « Bullitt » commercialisées par Ford entre 2001 et 2019. Et aussi une rencontre avec David et sa Bullitt 2008. Aujourd’hui, j’ai décidé de vous proposer un article qui compile l’ensemble de ces chroniques et enrichit le propos de nouvelles informations. Nous allons parler du film de 1968 lui-même, mais aussi d’anecdotes de tournage à San Francisco. Enfin, on parlera du projet de Steven Spielberg autour de ce mythe.
Bullitt est avant tout un film culte, sorti en 1968. Mais c’est aussi le film qui a donné naissance à l’une des Mustang les plus légendaires de l’histoire. On se souvient tous de course-poursuite dans les rues escarpées de San Francisco. On s’intéressera aux deux exemplaires originaux qui ont servi pour le tournage. L’un était réservé aux plans standards tandis que l’autre était destiné aux cascades. Nous évoquerons aussi les différentes éditions que Ford a produites en hommage au film sur plus d’un demi-siècle.

Bullitt (1968) : une révolution cinématographique
Synopsis et genèse du projet
Sorti en juillet 1968, Bullitt est l’adaptation du roman Mute Witness (1963) signé Robert L. Pike (alias Robert L. Fish). Le scénario, confié à Alan R. Trustman, relate l’histoire du lieutenant Frank Bullitt. Ce dernier, interprété par Steve McQueen, est chargé de protéger Johnny Ross (Pat Renella), un témoin-clé dans un procès visant un politicien corrompu incarné par Robert Vaughn. Lorsque Ross est brutalement abattu, Frank Bullitt se lance dans une enquête implacable au cœur de San Francisco pour identifier le coupable et faire triompher la justice.
Dès le départ, le projet apparaît complexe. Les producteurs Philip D’Antoni et Ernest Pintoff posent les jalons, mais c’est finalement la société Solar Productions, détenue par Steve McQueen, qui prend la main. Ébloui par le style réaliste du Britannique Peter Yates sur Robbery (1967), McQueen le choisit aussitôt pour réaliser Bullitt. Si le tournage souffre de vols de costumes et de dépassements de budget, la municipalité de San Francisco, sous l’impulsion du maire Joseph L. Alioto, offre un soutien sans précédent en autorisant l’équipe à utiliser les rues et bâtiments sans décors artificiels. Grâce à cet appui, le film peut miser sur une authenticité rare à l’époque. On retrouve ainsi à l’écran les vrais hôpitaux, quartiers résidentiels et artères emblématiques de la ville.
Casting et performances de Bullitt
Aux côtés de McQueen, le casting réunit Jacqueline Bisset dans le rôle de Cathy, Don Gordon incarnant le détective Delgetti, Simon Oakland en capitaine Sam Bennet, Robert Vaughn dans la peau du Lieutenant Walter Chalmers et Pat Renella campant Johnny Ross. Dès les premières notes de la bande-son, signée Lalo Schifrin, l’atmosphère se teinte d’un jazz urbain. La musique, mêlant tension et sophistication, renforce la silhouette taciturne de McQueen. Fidèle à son style, l’acteur incarne un flic silencieux dont la détermination se lit dans chaque regard. McQueen jette les bases d’un archétype du policier solitaire, très influent par la suite sur des héros comme l’Inspecteur Harry (Clint Eastwood).
Les coulisses de la course-poursuite
La séquence la plus célèbre de Bullitt reste incontestablement la course-poursuite de près de dix minutes qui oppose la Ford Mustang fastback 1968 à la Dodge Charger 440. Les plans alternent caméras embarquées et prises de vue panoramiques. Ils nous dévoilent des pointes de vitesse atteignant parfois 180 km/h dans les rues de San Francisco, notamment sur Russian Hill et Pacific Heights. Dans un souci de réalisme, Peter Yates n’hésite pas à positionner la caméra lui-même à l’intérieur de la Mustang. À plusieurs reprises, lorsque les prises deviennent trop risquées, il demande à McQueen de lever légèrement le pied.
Avant le tournage, Steve McQueen répète inlassablement ses trajectoires sur le circuit de Cotati, au nord de San Francisco. Pour certaines cascades, il se fait remplacer par Bud Ekins, Carey Loftin et Loren Janes, des cascadeurs chevronnés. Au cours d’une prise à grande vitesse, on raconte que McQueen s’est tourné vers Yates pour lui dire en riant :
« Ne t’inquiète pas, on n’a plus de pellicule… et plus de freins non plus ! »
À la fin de cette même séquence, la Mustang aurait percuté une Ford 1956 par accident. L’impact étant si crédible que le réalisateur a décidé de conserver la prise au montage. On peut aussi citer quelques incohérences de la course-poursuite. Par exemple, la Charger perd plusieurs enjoliveurs lors d’un virage serré, mais ceux-ci réapparaissent mystérieusement dans un plan ultérieur. Il s’agit là d’une erreur de continuité devenue légendaire parmi les cinéphiles.

Succès public et récompenses du film Bullitt
Produit avec un budget d’environ 4 millions de dollars, Bullitt remporte un succès phénoménal. Le film engrange plus de 42 millions aux États-Unis et 3 millions en France. Au-delà de ses performances au box-office, le film reçoit l’Oscar du meilleur montage pour Frank P. Keller, tandis que la critique salue l’audace de Yates et la sobriété de McQueen.
Les deux Mustang Fastback de 1968
Caractéristiques techniques communes
Afin de satisfaire aux exigences du scénario, deux Mustang Fastback de couleur Dark Highland Green (code J) rejoignent l’atelier de Max Balchowsky à Los Angeles pour une préparation dédiée aux cascades. Ces deux exemplaires, dont les numéros de châssis sont 8R02S125559 et 8R02S125558, partagent des bases mécaniques et esthétiques communes.
Animées par un V8 390 ci alimenté par un carburateur Holley quatre corps, elles bénéficient d’une suspension renforcée couplée à un pont arrière 4.10:1. Le volant, renforcé façon Shelby, et le support moteur optimisé permettent de résister aux contraintes des cascades. Enfin, les deux Mustang arborent un pack GT incluant des badges spécifiques, une grille avant sans logo poney, une calandre élargie, des disques de frein avant, et une boîte manuelle quatre vitesses Toploader.
Le châssis 8R02S125559 pour les prises de vue standards
Réparations post-tournage
Le numéro de châssis 8R02S125559 correspond à la Mustang réservée aux plans dits « calmes » (dialogues, plans fixes). À l’issue du tournage, elle regagne l’atelier Precision Auto Body sur Hollywood Boulevard. Là, elle fait l’objet de réparations pour un montant total d’environ 920 dollars. Les travaux portent principalement sur la calandre, les pare-chocs, la grille et divers accessoires de carrosserie. Dès lors, cette Mustang entame une vie civile ordinaire.
Premier propriétaire : Robert M. Ross (1968–1970)
Le premier acquéreur de cette Mustang est Robert M. Ross, employé de la Warner Bros., qui l’achète dès 1968 pour un usage privé. Malgré un bruit de roulement prononcé — conséquence de l’absence d’insonorisation pour les besoins du tournage — il apprécie son caractère brut. En revanche, il repart sans les feux GT originels, ôtés pour les scènes.
Deuxième propriétaire : Frank Marranca (1970–1974)
En 1970, la Mustang change de mains pour la somme de 6 000 dollars. C’est Frank Marranca, détective du New Jersey, qui en devient alors le second propriétaire. Il la fait transporter jusqu’à Staten Island. Dès décembre, il la customise en y installant un levier Hurst quatre vitesses et un coupe-circuit dissimulé derrière le cendrier.
il remarque un bout de ruban adhésif collé au niveau du compte-tours avec l’indication “LITTLE PIECES” écrite au stylo, avec une flèche pointant entre 7 000 et 8 000 tours/minutes. Pour la petite anecdote, Frank appelle Ross pour lui demander ce que cela indique. Il lui explique que Balchowski avait écrit cela car au-delà de ce régime, le moteur pourrait bien finir en pièces.
En avril 1974, Frank décide de se séparer de sa Mustang pour acheter une Chevy Vega Wagon. La voiture a alors seulement 19 000 miles au compteur. Frank met une annonce dans le journal Road & Track. Une seule personne répond et lui rachète pour 6 000 dollars, soit la même somme qu’il l’avait lui-même achetée. Il fournit une bonne partie de la documentation associée au véhicule et ajoute les plaques californiennes avec le véhicule.

Troisième propriétaire : Robert « Bob » Kiernan (1974–2014)
Robert « Bob » Kiernan, alors cadre de 24 ans, acquiert ce véhicule prestigieux à son tour. En 1977, il refuse de revendre la voiture à Steve McQueen qui souhaite la racheter. Jusqu’en 1980, la Mustang lui sert d’auto familiale, jusqu’à un tête-à-queue contre un arbre qui nécessite une remise en état. Elle séjourne dans un garage du Kentucky entre 1990 et 1998. Elle est ensuite déplacée dans le Tennessee pour échapper à la médiatisation suscitée par une photographie diffusée à son insu.
En 2001, la production de Charlie’s Angels sollicite Kiernan pour utiliser la voiture à l’écran. Drew Barrymore insiste pour en prendre le volant, mais Kiernan refuse, préférant préserver l’intimité de ce trésor familial. Par la suite, Robert, atteint de Parkinson, s’attelle à restaurer la Mustang en compagnie de son fils Sean. Malheureusement, la maladie ralentit considérablement les travaux.
Quatrième propriétaire : Sean Kiernan (2014–2020)
Lorsque Robert décède en 2014, Sean hérite de la Mustang. Il choisit d’abord de la garder, même après avoir reçu des offres dépassant allègrement le million de dollars. Déterminé à honorer cette voiture, il la restaure avec Ford pour la dévoiler au public en 2018. Enfin, c’est finalement en janvier 2020 que la Mustang 8R02S125559 est vendue. Elle atteint la somme record de 3,4 millions de dollars aux enchères Mecum.

Le châssis 8R02S125558 pour les cascades
Destinée aux cascades spectaculaires
Contrairement à sa sœur vouée aux plans posés, la Bullitt 8R02S125558 accomplit toutes les cascades spectaculaires du film. On la retrouve pour les drifts violents, les sauts au-dessus de trottoirs ou encore pour les collisions. À l’issue de la production, ce véhicule est laissé pour compte, abandonné dans une casse californienne, puis disparaît pendant près d’un demi-siècle.
Découverte de la « Baja Bullitt » (17 octobre 2016)
En octobre 2016, un certain Federico Garza, annonce sur Internet avoir vu la « Baja Bullitt » à Los Cabos, au Mexique. Il indique avoir remarqué plusieurs indices révélateurs : des tours de suspension manifestement renforcées, un essieu arrière de neuf pouces de Mustang 1967, ainsi que des trous dans le coffre destinés à accueillir un générateur pour les cascades. Face à ces caractéristiques uniques, il comprend qu’il a peut-être devant lui la Mustang disparue.
Restauration à Mexicali (mars 2017)
Sous l’impulsion de Hugo Sanchez, garagiste local, la Mustang est d’abord remise en état à Mexicali. Elle est ensuite présentée chez le concessionnaire Ford de la région. Initialement, Sanchez et Ralph Garcia Jr. ont acquis la voiture pour la transformer en Eleanor (Gone in 60 Seconds, 2000).
Vérification par Kevin Marti (3–4 mars 2017)
Pour en avoir le cœur net, Federico Garza fait appel à Kevin Marti, le spécialiste mondial des « Marti Reports ». Curieux, Marti se rend à Los Cabos les 3 et 4 mars 2017. Après une inspection minutieuse, il confirme sans l’ombre d’un doute qu’il s’agit bien de la Bullitt 8R02S125558.
Le projet d’Eleanor prend donc une nouvelle tournure. Plutôt que de dénaturer la voiture, Ralph Garcia Jr. et Hugo Sanchez décident de la restaurer dans son état d’origine. Ainsi renaît la « Baja Bullitt » ! Celle-ci est dévoilée au public en mars 2017, attirant la curiosité des passionnés du monde entier.
L’avenir de la « Baja Bullitt » et l’édition spéciale 2019
Pendant que Ralph Garcia Jr. poursuit la remise en condition de la voiture, Ford s’active déjà en coulisses pour préparer une nouvelle édition spéciale 2019. De mon côté, lorsque j’ai contacté Ralph en 2024, il m’a indiqué qu’il travaillait sur une grosse révélation…
San Francisco : décor naturel et tournage audacieux
La grande particularité de Bullitt réside dans l’utilisation du décor urbain de San Francisco comme véritable terrain de jeu. Grâce au soutien politique du maire Joseph L. Alioto, la production obtient l’autorisation de fermer temporairement certaines artères. C’est une première audacieuse pour un film à gros budget à cette époque. Dès lors, chaque séquence respirant la vie de la cité apporte une crédibilité inédite pour le spectateur.
Lieux de tournage majeurs
Le site Reel SF nous permet d’identifier les lieux du tournage de Bullitt. L’un des lieux phares du film est la résidence de Chalmers, située au 2700 Vallejo Street, à Pacific Heights. Construite en 1915, cette demeure, où se tient la confrontation entre Bullitt et le procureur (Robert Vaughn), sert aujourd’hui de Consulat général du Japon, mais garde intacte cette aura d’élégance d’antan. À quelques pâtés de maisons s’élevait l’ancien hôtel Daniels, au 226 Embarcadero, où Bullitt garde Johnny Ross. Suite au tremblement de terre de 1989, l’hôtel a malheureusement disparu, remplacé par un parking. Mais on peut encore imaginer les abords de la baie qui, à l’époque, dessinaient un front de mer pittoresque.
Plus loin, au 2030 Union Street dans le quartier de Cow Hollow, se trouvait le Coffee Cantata où Bullitt retrouve Cathy. Si le café a fermé depuis longtemps, l’adresse abrite aujourd’hui Marcello Watches & Repair. Quant à l’hôpital général de San Francisco, dont l’entrée des urgences se situe au 1001 Potrero Avenue (angle 22ᵉ rue). Il est toujours là depuis 1872. On peut d’ailleurs peut aisément s’imaginer la scène où les tueurs à gages y déposent leurs victimes. Enfin, l’appartement de Frank Bullitt est perché au 1153 Taylor Street dans Nob Hill. Il est accessible via une volée de marches en ciment qui n’ont guère changé en plus de 40 ans.
Itinéraire de la course-poursuite
La mythique course-poursuite s’étire sur près de huit kilomètres, traversant successivement plusieurs quartiers de San Francisco. En partant de Russian Hill, la Mustang et la Charger dévalent la colline à grande vitesse. Les voitures atteignent des pointes vertigineuses sans protection ni filets, frôlant parfois les trottoirs et les passants médusés. De là, elles enchaînent un virage en épingle à cheveux dans Lombard Street. Elles traversent North Beach, ce quartier italien dont les ruelles étroites renforcent le sentiment d’urgence. Rapidement, la poursuite finit par débouler vers le Marina District. Les quais défilent en toile de fond, avant de nous emmener vers McLaren Park. Puis nous sommes au San Bruno Mountain State Park, quartier plus ouvert en périphérie de la ville. L’ultime séquence voit la Mustang et la Charger sortir de l’agglomération pour gagner Brisbane, clôturant ainsi un trajet qui a mis à rude épreuve la mécanique et le courage des conducteurs.
Contrairement à aujourd’hui où l’on utilise un écran vert, l’équipe fermait certaines rues à l’aube pour éviter un chaos total. Les riverains, souvent pris par surprise, découvraient alors soudain des bolides hurler dans leur avenue. De nos jours, il suffit de se promener dans ces quartiers pour reconnaître le parcours. Il faut dire que la topographie de San Francisco a peu changé depuis 1968, malgré la reconstruction du front de mer après le séisme de 1989.
Les éditions spéciales « Bullitt » : un héritage perpétué
Fidèle à son histoire, Ford a régulièrement honoré la Mustang Highland Green originelle en lançant trois séries spéciales Bullitt. La première en 2001, la seconde en 2008–2009, puis la dernière en 2019. Chacune de ces éditions puise son inspiration dans la Fastback 1968 tout en intégrant des technologies modernes. Ford nous prouve ainsi que l’héritage et l’innovation peuvent coexister harmonieusement.
GT Bullitt 2001 (SN95)
Genèse de l’édition Bullitt
À la fin des années 1990, l’équipe « Team Mustang » de Dearborn cherche à raviver la flamme des séries spéciales. En 2001, alors que la Mustang SN95 Phase II entre dans sa troisième année et qu’un restyling n’est pas prévu avant 2005, Art Hyde reçoit un coup de fil providentiel : à l’occasion du Salon de Los Angeles, Sean Tant, directeur de la section Mustang Design, présente un coupé vert foncé au look inspiré de Bullitt. Les visiteurs ne s’en détachent plus, et l’idée de décliner une édition limitée « Bullitt » séduit immédiatement l’équipe.
Carrosserie et esthétiques rétro
Pour concrétiser le projet, la Mustang GT SN95 (1999–2004) « New Edge » se pare de trois teintes au choix : Dark Highland Green (code PY), True Blue (code L2) ou Black (code UA). À l’extérieur, les jantes American Racing de 17 pouces à cinq branches renvoient directement aux modèles de 1968, tandis que des prises d’air latérales exclusives, une moulure de bas de caisse dépourvue de marche-pied, une vitre arrière incurvée façon fastback première génération et un spoiler avant discret rappellent les Mustang des sixties. La trappe de carburant racing en aluminium brossé, le logo « Bullitt » sur le coffre et un faux bouchon de réservoir parachèvent le look rétro.
Châssis et motorisation
Le châssis est abaissé, avec amortisseurs et jambes de force modifiés (barres antiroulis uniques), tandis que le freinage se compose d’étriers Brembo rouges spécifiques et de disques de 13 pouces. Sous le capot, le V8 4,6 L voit sa puissance portée à 275 ch et ne peut être associé qu’à une boîte manuelle, l’échappement ayant été retravaillé pour offrir une sonorité plus rauque.
Habitacle et finitions collector
À l’intérieur, le bloc compteurs arbore un tachymètre et un compte-tours gradués à la manière de 1968, le pédalier Racing en aluminium et la boule de levier de vitesse exclusive en alu confèrent une touche compétition, tandis que sièges en cuir anthracite « Luxury 68 », plaques de seuil « Bullitt » et une plaque d’identification « édition spéciale » soulignent le caractère collector de l’habitacle.
Production et diffusion
Le pack « BULLITT » (réf. 54M) est proposé au prix du coupé GT de base plus 3 696 $ aux États-Unis (5 695 $ au Canada), avec pour objectif une série limitée de 6 500 exemplaires. Finalement, 5 582 Mustang Bullitt quittent les usines entre 2001 et 2002, exclusivement en Amérique du Nord, chacune numérotée et dotée d’une plaque gravée sur la console centrale.



Bullitt 2008–2009 (S197)
En 2008, ce sont les 40 ans de la sortie du film Bullit. Ford en profite pour lancer une nouvelle édition en février basé sur la Mustang GT S197 (2005–2014). Deux teintes sont proposées : Dark Highland Green pour être fidèle à l’original ou Shadow Black pour un rendu plus discret. La calandre sans poney se limite à un entourage chromé subtil, et les jantes en 18 pouces rappellent 1968. Les sorties d’échappement passent de 76 à 89 et l’aileron arrière est supprimé. Un badge Bullitt circulaire aux contours verts orne le coffre, et un faux bouchon de réservoir parachève le look.
Sous le capot, le V8 4,6 L Coyote SOHC développe 319 ch. Le pont arrière à rapport 3.73:1 accentue l’accélération. La suspension est renforcée à l’avant et à l’arrière avec des ressorts plus fermes et des barres antiroulis.
À l’intérieur, la sellerie en cuir noir présente des surpiqûres vertes et un pommeau blanc qui évoque les années 1960. Le tableau de bord intègre des cadrans Bullitt (fond noir, chiffres verts) sur inserts en aluminium brossé. Fidèle à l’esprit d’époque, cette édition se passe d’écrans multimédias et de systèmes sonores sophistiqués pour privilégier la mécanique.
La Bullitt 2008 rencontre un franc succès, avec environ 7 000 exemplaires produits.
Retrouvez notre article sur la Bullitt 2008 de David.





Bullitt 2019–2020 (S550)
Pour célébrer le cinquante-et-unième anniversaire de Bullitt, Ford présente au Salon de Détroit 2018 une nouvelle édition de la Bullitt, dévoilée par Molly McQueen et Sean Kiernan. Limité à 6 000 exemplaires numérotés, ce modèle adopte une unique teinte Dark Highland Green. La calandre avant noire est dépourvue de poney. Les jantes de 19 pouces à cinq branches rappellent quant à elles l’esprit 1968, tout comme l’absence d’aileron.
Sous le capot, le V8 Coyote 5,0 L, enrichi de composants de la Shelby GT350 (collecteur, admission, vilebrequin renforcé), délivre 480 ch. Le V8 est jumelé à une boîte manuelle six vitesses Getrag MT82. Cela permet d’abattre le 0–100 km/h en 4,4 s et d’atteindre 262 km/h. Le châssis repose sur une suspension MagneRide, équipé de ressorts plus rigides et d’une barre antiroulis arrière renforcée. Le freinage Brembo associe des étriers six pistons à l’avant (disques ventilés) et des étriers deux pistons à l’arrière.
À l’intérieur, la sobriété est de mise. Une fois de plus, on retrouve une sellerie en cuir noir et surpiqûres vertes. Un pommeau rond en bakélite habille la boîte mécanique. Des cadrans Bullitt (fond noir, vitesse en miles) sont intégrés dans le tableau de bord. Enfin, une plaque numérotée « Inspired by 8R02S125559 » est présente sur la console centrale. Une caméra frontale et un radar d’angles morts sont présents, mais sans écran multimédia.
Les 6 000 exemplaires se vendent en quelques jours, prouvant que l’icône Bullitt reste vivante.

Bullitt de Spielberg : le retour du lieutenant
Plus de cinquante ans après le film original, les fans s’apprêtent à retrouver Frank Bullitt grâce à Steven Spielberg. Le réalisateur est un admirateur inconditionnel de la fameuse scène de poursuite. Il a d’ailleurs affirmé qu’elle a marqué son enfance et influencé sa manière de filmer l’action.
Genèse et ambitions du nouveau projet
Annoncé officiellement en 2023, le projet ne se présente pas comme un simple remake du film de Peter Yates. C’est plutôt une nouvelle histoire centrée sur Frank Bullitt. Bradley Cooper est à la fois acteur principal (dans le rôle éponyme) et producteur. C’est l’occasion pour lui de retrouver Spielberg après American Sniper.
Si le scénario reste pour l’instant confidentiel, quelques détails ont filtré. On sait qu’il est question d’explorer le passé militaire de Bullitt, ses doutes intérieurs et sa quête de justice. L’intrigue se déroule dans un décor urbain où technologies de surveillance et cartographies numériques contrastent l’atmosphère vintage. Côté action, une poursuite « émotionnelle » mêle plans traditionnels et images tournées par drone pour une expérience inédite.
Étapes de production et calendrier
La préproduction a été lancée en 2023 et mobilise des scénaristes chevronnés. Des repérages ont eu lieu à San Francisco, notamment du côté de Pacific Heights, North Beach, Embarcadero, et Russian Hill. Les secteurs récents ne seront pas en reste avec Mission District, SOMA, ou Transbay Terminal. Le tournage était prévu courant 2024. Il visait à recréer l’authenticité des poursuites de 1968 avec des modélistes spécialisés et un budget cascades supérieur. La postproduction devait initialement courir entre fin 2024 et début 2025. La sortie était attendue en 2025, accompagnée d’une campagne de communication mariant l’héritage de McQueen et le savoir-faire de Spielberg.
Depuis 2024, nous n’avons plus de nouvelles du projet, mais nous connaissons Spielberg pour les dépassements de budget et de délais. Pas d’inquiétude donc, le projet est sans doute toujours en cours.
Ford n’a pas confirmé d’édition spéciale liée au film, mais des rumeurs évoquent une Bullitt 2025…

Pourquoi la Mustang Bullitt fascine t-elle encore ?
Le mariage du cinéma et de l’automobile
La Mustang Bullitt ne se résume pas à un simple véhicule. Elle incarne effectivement la symbiose parfaite entre la passion du grand écran et celle des bolides sur route. Lorsque Steve McQueen, le « King of Cool », se glisse derrière le volant, il devient à la fois un héros taciturne et un pilote artisanal. Il façonne ainsi l’image d’un policier prêt à tout pour faire régner la justice. Le film a figé dans l’imaginaire collectif la notion de course-poursuite avec une Mustang dévalant les collines, essoufflée, tandis que les passagers retiennent leur souffle en arrière-plan. Du coup, l’aura créée par ces séquences, tournées sans doublures numériques, a fait naître une fascination durable.
L’histoire des deux Mustang 1968
Le destin contrasté des deux voitures originales renforce le phénomène. 8R02S125559 est devenue un trésor familial avant d’être restaurée et vendue en 2020 pour la somme de 3,4 millions. À l’inverse, la « Baja Bullitt » (8R02S125558), vouée aux cascades, est tombée dans l’oubli pendant près de cinquante ans avant d’être miraculeusement exhumée d’une casse mexicaine en 2016. La révélation de son existence, suivie de sa restauration alimente la légende et atteste du caractère unique de ces véhicules.
Les éditions spéciales Ford : fidélité et innovation
Au fil des générations, Ford a su perpétuer l’esprit originel de la Bullitt en combinant respect du passé et évolutions techniques. Ainsi, la GT Bullitt 2001 pose les bases avec sa teinte Dark Highland Green, sa calandre dépourvue de poney, son échappement rauque, sa transmission manuelle et le minimum d’électronique superflue. En 2008, le passage au châssis S197 et au V8 Coyote porte la puissance à 319 ch, renforçant encore le caractère sportif de l’édition.
En 2019, le V8 5,0 L développe 480 ch en s’appuyant sur des freins Brembo et une suspension MagneRide pour offrir un comportement inégalé. Chaque version demeure limitée en nombre (5 500 unités en 2001, 7 000 en 2008, 6 000 en 2019), renforçant l’aura « collector » et maintenant la cote à des niveaux élevés. À chaque fois, le pari est réussi ! Prouver que la Mustang peut se décliner en « légende » sans jamais renier son ADN de muscle car viscéralement américaine.
Conclusion : la légende vivante
En un peu plus de cinquante ans, la Bullitt est passée de l’écran géant aux musées. Elle est aussi présente aux salons d’enchères et dans les collections privées. Des débuts sur les pavés de San Francisco, elle s’est retrouvé au coeur d’une vente historique à 3,4 millions de dollars. Elle a aussi réussi à tisser un lien entre la culture populaire, l’esthétique minimaliste et l’art de filmer la vitesse. Les châssis originaux (8R02S125559 et 8R02S125558) incarnent chacun une facette de cette légende. L’un fut miraculeusement préservé et chéri par plusieurs générations de propriétaires. L’autre a été ressuscité d’un tombeau de ferraille nous rappelant que l’histoire est parfois là où on ne l’attend pas. Parallèlement, les éditions spéciales Ford de 2001, 2008 et 2019 prouvent qu’une marque peut honorer son patrimoine tout en adaptant ses véhicules aux standards modernes.