Rudy, habitant de Nouvelle Aquitaine, vient de terminer la restauration d’un fastback ‘65. S’il est passionné par les autos, et plus particulièrement les anciennes, rien ne semblait le destiner à restaurer une américaine des années 60… Et pourtant !
À quarante-six ans et avec un grand nombre d’autos anciennes au compteur, Rudy vient de terminer la restauration d’une belle Ford Mustang. Il avait commencé à rouler en 504 coupé dans son jus lorsqu’il était à la fac, puis avait restauré une Matra Bagheera S de 1976 pendant trois ans en 2005. À cette occasion et pendant tout ce temps, il pouvait travailler sur ce projet avec un professionnel. Plus tard, notre cher Rudy s’est intéressé aux Porsche avec une 944 turbo puis une 911 SC de 1980 avant de basculer du côté des Triumph avec une TR4 de 1964… et ensuite une Austin Healey de 1965. À cette époque, Rudy apprécie les américaines pour leurs courbes et leurs motorisations mais il ne s’imagine pas au volant d’un de ces bolides dans la mesure où ce qu’il aime, lui, ce sont les roads trips sur les routes sinueuses de sa région. Il pense alors que les muscle cars ne sont pas des plus adaptés pour ce type de projet…
Un achat pour changer
Et pourtant, une partie de Rudy s’intéresse irrémédiablement aux voitures d’outre-Atlantique. Après une expérience (réussie) avec une Lotus Elise SC de 2005 qui développe pas moins de 220 chevaux (pour seulement 879 kilos !), notre ami néo-aquitain commence à lorgner sévèrement sur des automobiles un peu différentes. Pour lui, la Lotus est une voiture vive, efficace, agile à outrance, c’est un vrai scalpel ! Et surtout trop efficace pour rouler raisonnablement ! Rudy est confronté à un choix cornélien : s’il souhaite trouver un véhicule plus performant (et plus risqué pour maintenir son permis de conduire), il va irrémédiablement comparer le nouveau véhicule à sa Lotus qui est, semble-t-il, au summum de ses attentes. C’est alors qu’il prend la décision d’un virage à 180 degrés : il se tourne vers les américaines ! Une américaine oui, mais laquelle choisir ? Un premier cahier des charges l’oriente vers les Chevrolet Corvette C2 et Camaro d’avant 1969, Ford Mustang de 1965 à 1968 et Dodge Charger. La première est hors budget, la seconde n’est pas son choix principal et la dernière trop musclée pour ses besoins. Rudy s’oriente ainsi vers une Ford Mustang fastback qui représente, pour lui, à elle seule toute la culture des muscle cars américains et l’art de vivre des sixties.
La marque, le modèle et la carrosserie sont définis, vient alors le moment d’affiner le cahier des charges. La voiture devra être dans un état correct et posséder une boîte mécanique, Rudy n’aimant pas les boite auto de l’époque et appréciant jouer du levier ! Son budget étant compris entre 35 et 40 000 euros, les offres qu’il repère en France ne lui conviennent pas. Il commence alors à regarder timidement du côté des US où il remarque que les prix, transports et taxes inclus, correspondent plus à son projet. Il remarque une annonce, sur notre bon vieux site cocorico de petites annonces (le bon coin) qu’il met en favori : la voiture semble coller avec son cahier des charges et l’auto est aux États-Unis. Il consulte l’annonce plusieurs fois par jour et finit par appeler le vendeur un samedi soir. Rudy connaît bien les anciennes et, comme bon nombre d’entre nous, s’est fait une promesse un jour : « je n’achèterais jamais une auto ancienne sans la voir ni l’essayer ». Vous le voyez venir, Rudy passe une heure et demie au téléphone avec le vendeur qui lui décrit l’auto. À peine a-t-il raccroché qu’il effectue un premier virement pour bloquer la vente ! Nous sommes alors en novembre 2017, la Mustang est à Bâton Rouge, en Louisiane.
12 février 2018. La nuit vient de tomber en Nouvelle-Aquitaine et un transporteur arrive devant la maison de Rudy. Une Ford Mustang, sale et pleine de poussière trône fièrement sur le plateau du camion. Sa batterie est à plat et Rudy doit demander de l’aide à ses voisins pour la pousser jusque dans sa grange. Il passe un bon moment à la contempler et, même si elle n’est pas à son avantage dans cet état, c’est avec le sourire aux lèvres que notre ami s’endormira cette nuit !
Une voiture qui a peu roulé mais de nombreux travaux effectués
Cette voiture est sortie d’usine équipée d’un V8 et d’une boîte mécanique 4 vitesses Top Loader, d’une direction assistée, de l’option banquette rabattable et disposait d’un intérieur noir et d’une couleur de carrosserie Prairie Bronze (code P).
Peu de temps après l’achat, Rudy s’intéresse au passé de son nouveau passe-temps. Il découvre assez rapidement l’ancien propriétaire et s’empresse de lui envoyer un courriel… auquel il obtient une réponse ! Ce dernier lui raconte l’histoire de l’auto.
La voiture a été livrée en 1965 à la Nouvelle-Orléans, Louisiane. Elle est stockée de nombreuses années (entre 1982 et 2001) dans un entrepôt sans rouler. L’année des évènements tragiques du World Trade Center, le précédent propriétaire avec qui communique Rudy aujourd’hui rachète le véhicule à un ami à lui. Celui-ci entrepose le véhicule sans y toucher jusqu’en 2012. Après trente ans à l’arrêt, une restauration est entreprise. Maintenant que les enfants du propriétaire sont devenus grands, il peut consacrer un peu de temps et d’argent à ce projet.
À l’intérieur, seuls la moquette et le ciel de toit sont remplacés. Côté mécanique, le moteur d’origine est remplacé par un Blue Print “crate engine” 302ci réalésé en 306ci 5.0l avec pipe d’admission en aluminium développant pas moins de 390 chevaux et avec un couple de 370 nm. La boîte de vitesses est remplacée par une Tremec T5 World Class, un pont Heavy Duty ratio 3.50:1 à glissement limité est installé ainsi qu’un embrayage haute performance RAM renforcé, une direction assistée Borgeson, une courroie serpentine March avec supports en aluminium usiné, un radiateur Champion gros volume, etc. Les gaz s’échappent par une ligne d’échappement en acier inoxydable Flowmaster dont la sonorité ne laisse pas indifférent. La restauration de la carrosserie consiste à remplacer les ailes avant, les pare-chocs, le capot ainsi que la malle arrière. Des “frame connectors” sont installés pour relier les longerons avant et arrière pour rigidifier le châssis et encaisser la nouvelle puissance délivrée. Côté sécurité, des freins Wilwood 4 pistons sont montés à l’avant. Enfin, la voiture est repeinte en bi-ton, gris clair et gris foncé (du catalogue Dodge Ram 2012), les deux teintes étant séparées par un liseré rouge Viper.
Après une telle restauration, pourquoi se séparer du bolide demanderez-vous ? Eh bien l’ancien propriétaire a jeté son dévolu sur une Mustang Shelby GT500 de 2010, ce qui permet à notre ami Rudy d’en faire l’acquisition dans cette configuration performance.
… et encore du travail en France
Lorsque Rudy récupère la voiture, il constate rapidement que sa nouvelle auto n’est pas des plus adaptée pour les routes françaises dans cette configuration. La Mustang ainsi achetée est une vraie américaine typée drag race mais pas vraiment faite pour les courses de côtes qui sont pourtant assez répandues dans la région du nouveau propriétaire.
Pour rendre sa nouvelle passion conforme à ses attentes, Rudy commence par remplacer les amortisseurs en place par des Koni rouges réglables (les mêmes que ceux qui équipaient les Shelby 350), la barre de torsion avant par une plus importante et l’ajout d’une barre de torsion à l’arrière également. La voiture étant désormais plus stable dans les courbes, Rudy constate la direction assistée trop… assistée ! Il découvre un kit permettant de réduire la pression de la pompe Borgeson ce qui lui convient davantage. Les silent blocks sont changés par des neufs en polyuréthane au niveau des ressorts arrière et le train avant est entièrement refait à neuf. À l’intérieur, un nouveau volant plus petit vient remplacer l’ancien ainsi qu’un levier de vitesse Hurst à pommeau blanc, des ceintures de sécurité plus larges, un pad en cuire et de grosses boucles typées compétition. Cela convient à notre ami pendant environ un an.
Malheureusement, à chaque fois qu’il roule sous la pluie, Rudy constate des infiltrations d’eau dans l’habitacle, que ce soit depuis la lunette arrière ou du pare-brise, l’eau finit par entrer et des cloques apparaissent même au niveau de la peinture. C’est en mars 2019 que notre passionné décide de s’intéresser au problème de fuites. Il entreprend de corriger les soucis à l’arrière de la voiture, mais devant l’ampleur des dégâts, c’est finalement toute l’auto qui va y passer !
Un peu d’aide est toujours bienvenue
Rudy met la voiture à nue en commençant par l’arrière puis jusqu’à l’avant. Tout est décapé. Comme le dit justement Rudy, “les Américains sont capables de restaurations à plusieurs centaines de milliers de dollars, mais ils sont aussi excellents dans le maquillage”. Il découvre de nombreuses parties très endommagées par la rouille, parfois des trous béants rebouchés à la colle à pare-brise… Si Rudy avait déjà restauré des voitures anciennes, il n’avait encore jamais joué du chalumeau et travaillé la tôle. Son beau-frère carrossier lui apprend les ficelles du métier et Rudy s’équipe d’un MIG et de tout le matériel qui lui sera nécessaire pour ce nouveau bout de projet. C’est à l’occasion d’un week-end avec son beau frère que le transfert de compétences opère : « on a deux jours pour que tu me montres comment faire. Quand tu partiras dimanche, je devrais pouvoir continuer seul ». Et c’est ce qu’il s’est passé. Pendant plusieurs semaines, Rudy travaille, seul, dans sa grange à même la terre battue avec la Mustang sur chandelles. C’est ainsi qu’il refait des parties de plancher, allongé avec seulement 50 centimètres d’espace et des boulettes de soudure qui lui tombent dans le cou. À dix minutes de chez lui, Rudy a un ami garagiste qui suit son travail et, voyant l’ampleur du chantier et les conditions dans lesquelles son camarade opère, lui propose de mettre la Mustang dans son garage pour qu’il soit plus à l’aise. C’est le bon moment puisque la soudure est terminée et que Rudy doit passer à la peinture du châssis, et c’est bien plus pratique lorsqu’on dispose d’un pont !
La voiture est alors démontée, décapée et toutes les parties rouillées ou manquantes sont remplacées. Les tôles sont passées au Dinitrol puis au primer phosphatant et enfin une peinture polyuréthane bi-composant est appliquée sur l’ensemble du châssis (soubassements puis intérieur).
Rudy s’intéresse ensuite à l’intérieur avec le remplacement de la banquette arrière, du ciel de toit et la mise en peinture de tous les éléments de l’habitacle. Les mécanismes de porte sont démontés, graissés et repeints lorsque c’est nécessaire avant d’être remontés.
La peinture de la carrosserie est confiée à un professionnel. Pour la couleur, Rudy choisit l’Ivy Green du catalogue Ford de l’époque. Tous les joints de carrosserie, de pare-brise et de lunette arrière sont remplacés par des neufs.
Côté mécanique, le pont est refait à neuf, la direction assistée à boîtier est remplacée par une autre à crémaillère Unisteer, les freins à tambour arrière sont retirés pour laisser place à des disques et le maître cylindre est remplacé par un Wilwood neuf plus puissant mais non assisté. La voiture est entièrement remontée et des tirants de pont (traction bar) sont ajoutés pour améliorer le comportement de l’auto durant les accélérations.
La voiture a été entièrement restaurée. L’accent a été mis sur la fiabilité et les performances tout en conservant un aspect d’origine. Les équipements neufs et, pour la plupart, modernes ne sont pas visibles à première vue ni à l’extérieur ni dans l’habitacle. Certains éléments marqués par le temps ont été conservés afin de témoigner du passé de la voiture comme, par exemple, les poignées de portes griffées, le tableau de bord qui arbore des éclats de peinture, etc. Pour Rudy, l’objectif n’est pas de posséder un show car mais une voiture saine, qui présente bien et prête à avaler les kilomètres plutôt que de rester derrière une vitrine.
Un avenir incertain
La restauration aura pris plus d’un an et demi et environ 540 heures de travail. Rudy a consigné chacune d’entre elles dans un fichier Excel ! S’il compte conserver sa Mustang pour l’instant, Rudy a bien conscience des démons qui le hantent et il n’exclut pas la revente de son projet, désormais abouti, dans les mois ou années qui viennent. Ce serait pour lui l’occasion de repartir sur une nouvelle expérience auto. Notre ami a toutefois conscience que ce projet lui a demandé du temps et le fait d’avoir quatre places dans cette auto lui permet de partir en balade ou en week-end en famille, avec ses deux filles. Pour lui, sa passion est une chose, mais ce qui compte le plus, c’est le partage qu’elle génère avec ses proches. Il aime travailler sur ses projets mécaniques, il apprécie rouler avec, mais il prend surtout du plaisir à partager ces moments avec ses proches.
Si Rudy doit retenir une leçon de cette expérience, c’est sans doute qu’il a dû travailler sa patience, qui n’était pourtant pas son point fort. Non seulement car il lui en a fallu pour la restauration, mais surtout qu’à peine l’eut-il terminée qu’il se faisait opérer du genou avec interdiction de conduire pendant six semaines…
Une dernière chose, notre ami Rudy se lance dans un nouveau projet professionnel dont l’activité sera la restauration et la personnalisation / optimisation de véhicules anciens (des années 50 à 70). Donc n’hésitez pas à le contacter si des projets comme ceux-ci vous font rêver ;).