Aujourd’hui, nous avons rendez-vous avec le parc national de Sequoia !
Le début de matinée
Il est six heures du matin ce lundi 13 mai. Nous nous réveillons dans cette maison de la classe moyenne supérieure américaine, propre et bien entretenue. Toujours en faisant bien attention à ne pas se tromper de porte, nous allons prendre une douche à l’étage. Nous prenons ensuite notre petit-déjeuner dans la chambre. Celui-ci se compose d’un bagel à l’avocat et au Philadelphia, le tout accompagné d’une tasse de café.
Nous voici prêt à attaquer cette journée qui nous emmènera dans un premier temps à Mariposa Grove avant d’aller découvrir le parc national de Sequoia, situé plus au sud. Nos valises bouclées, nous nous engageons dans la rue pour retrouver notre Mitsubishi. Et nous voilà en route pour Mariposa Grove, qui se trouve à une petite heure au nord d’ici.
Mariposa Grove
Mariposa Grove of Giant Sequoias est l’un des trois bosquets de séquoias géants du parc national de Yosemite, les deux autres étant Merced et Tuolumne. Pour pénétrer dans l’enceinte du petit parc, il nous faut laisser la voiture sur un parking et prendre un bus. Il est relativement tôt et nous figurons parmi les premiers visiteurs de ce parcours.
Tribus amérindiennes
À notre arrivée, nous pouvons lire un long panneau, signé par les Traditionally Associated Tribes of Yosemite. Celui-ci explique que des tribus amérindiennes étaient là bien avant les premiers colons. Elles continuent d’entretenir de solides relations avec ces terres ancestrales qui sont maintenant appréciées par des gens du monde entier. Leurs connaissances écologiques traditionnelles ont longtemps assuré leur survie tout en améliorant et en diversifiant l’écosystème.
Le même écriteau précise, en s’adressant aux visiteurs que nous sommes, qu’en nous promenant dans ce parc, il convient de se rappeler qui a marché ici avant nous et suggère d’imaginer qui marchera ici après nous. Le respect de cet endroit est de mise. Le peuple signataire doit pouvoir continuer à profiter de ces terres comme leurs ancêtres l‘ont fait avant eux.
Le Grizzly Giant Loop Trail à Mariposa Grove
La balade que nous prévoyons de faire ce matin, avant de partir pour Sequoia National Park, est de 1,2 mile soit environ 2 km. Elle s’intitule « Grizzly Giant Loop Trail » et ne semble présenter aucune difficulté. Elle nous fait passer par un sentier nous permettant de voir un certain nombre de séquoias géants. Comme il est encore tôt, nous avons la chance de voir des biches tout près de nous. Avec le peu de visiteurs qui nous accompagne, nous restons le plus silencieux possible pour éviter de déranger les cervidés.
Les panneaux explicatifs sont source de culture
Des panneaux disséminés tout au long du parcours nous expliquent l’histoire de ce parc. L’un d’entre eux nous demande de rester loin des séquoias, car il s’agit d’une zone restaurée où différents organismes vivent en symbiose. C’est le cas du séquoia, bien sûr, mais également des insectes et des petits animaux qui viennent s’y réfugier. Si l’on vient trop près et que l’on écrase des insectes, même par inadvertance, nous bouleversons cet écosystème.
Des panneaux affichent « Give Plants a Chance! Please Stay Off » afin que nous ne l’oubliions pas. Un peu plus loin, nous apprenons que le sol sous nos pieds faisait autrefois partie d’un réseau de routes faites de pavés et d’asphalte. Malheureusement, lorsque les graines de séquoias tombaient des arbres géants, elles n’avaient aucune chance de germer. Or, un seul séquoia abrite des milliers de cônes de la taille d’un œuf, à l’intérieur desquels, ces minuscules graines ont besoin d’aide pour s’épanouir. Une bonne partie de ces cônes tombent d’eux-mêmes. Une fois au sol, des espèces comme l’écureuil Douglas jouent un rôle essentiel dans la dispersion des graines. En effet, les écureuils mangent les écailles charnues des cônes, ce qui permet de libérer les graines.
La foudre, le feu, les incendies…
Le feu joue aussi un rôle prépondérant lorsqu’il intervient, comme nous l’avons vu à Yosemite hier. Les incendies causés par la foudre réduisent notamment la concurrence des autres conifères. Ils brûlent la litière de feuilles sur le sol et laissent une fine couche de cendres riches en nutriments. Cela créé des conditions parfaites pour la germination des semis. Enfin, la chaleur croissante du feu aide à sécher les cônes, ce qui permet aux graines de se disperser. C’est un élément clé du succès des séquoias.
Les évolutions dans la gestion des parcs nationaux
C’est ainsi que, pour réduire la litière de feuilles et favoriser la reproduction de séquoia géant, le National Park Service a commencé à allumer des « feux dirigés », qui sont délibérément réglés et étroitement surveillées par les rangers, au printemps et à l’automne. e
Les pavés et l’asphalte du réseau de route d’antan ont été retirés et le sol assaini en 2016 seulement. Ainsi, aujourd’hui, lorsque les graines tombent des conifères, elles atterrissent sur un sol fertile et bien hydraté, autrement dit l’endroit idéal pour commencer leur long voyage vers l’âge adulte.
Les rayures du tamia
Nous avançons à notre rythme sur cette balade mais ne voyons pas le temps passé, tellement les explications fournies sont intéressantes. L’une d’entre elles n’est pas un fait historique, ni même une précision scientifique, mais une légende, que nous choisissons de retenir pour raconter à nos filles une fois de retour en France. Il s’agit du conte expliquant comment le tamia (Chipmunk) a reçu ses rayures sur son pelage. Cette histoire met en scène Grandfather Bear, « le plus fort de tous les animaux de la forêt ». Elle est écrite sur ce panneau devant nous par les mêmes Traditionally Associated Tribes of Yosemite qui nous ont accueilli sur le premier écriteau, à l’entrée.
Le Grizzly Giant
Plus loin, nous passons devant le Grizzly Giant, l’un des plus grands arbres du bosquet de Mariposa. On estime son âge à 2 900 ans. Il mesure 63,7 mètres de hauteur, 8,5 mètres de diamètre et 29 mètres de circonférences à sa base. D’ailleurs, en s’approchant de son tronc, on peut observer des cicatrices d’incendies. Comme pour la naissance de l’arbre, le feu joue un rôle très important dans la croissance d’un séquoia géant. Des incendies, produits par la foudre, ont brûlé une partie de cet arbre à plusieurs reprises (une fois tous les cinq à vingt ans en moyenne).
Le Grizzly Giant, comme les autres séquoias plus anciens et ceux endommagés par la foudre ou le feu, a atteint cette taille en raison de la perte d’aubier et d’une capacité à déplacer l’eau des racines à la cime. Bien que ces arbres nous fascinent par leur hauteur, la raison pour laquelle ils sont si robustes vient d’en bas. Les séquoias géants dépendent en effet de racines larges et peu profondes pour maintenir leur équilibre et absorber l’eau et les nutriments dont ils ont besoin. Caché sous nos pieds se cache un écosystème permettant d’apporter tout ce dont les séquoias ont besoin et dont nous avons parlé un peu plus tôt.
Quelques célébrités parmi les Sequoia
Notre parcours nous fait aussi passer par le California Tunnel Tree. Nombreux sont ceux qui savent que l’un des séquoias géants avait été creusé à la fin des années 1800 et au travers duquel les visiteurs pouvaient rouler en voiture, c’était le Wawona Tunnel Tree. Hélas, comme on aurait dû s’y attendre, l’arbre est finalement retombé sur le sol en 1969, plus de 2 000 ans après sa naissance, alors que la planète avait les yeux rivés sur les cieux cette année-là.
Le California Tunnel Tree a été également creusé en 1895, comme le Wawona, et il est toujours debout. En passant devant, on peut constater que l’écorce du séquoia s’est mise à pousser vers l’intérieur de l’arbre. L’arbre semble refermer le trou créé par l’Homme. Aujourd’hui, à travers le « Surviving Tunnel Tree », comme on le surnomme, on peut se faire une idée de ce à quoi ressemblait le fameux arbre-tunnel de Wawona à l’époque. Ces deux mastodontes ont permis à Mariposa Grove de se faire connaître. C’est notamment ce qui a conduit au rattachement du bosquet au parc national de Yosemite.
En route pour le parc national de Sequoia
En milieu de matinée, nous reprenons la navette. Celle-ci nous ramène au parking où nous retrouvons notre véhicule. Direction le parc national de Sequoia !
224 kilomètres et un plein d’essence plus tard, nous voilà à l’entrée du célèbre parc national de Sequoia. La route nous a fait passer devant le lac artificiel Kaweah créé par un barrage au milieu des terres arides. C’est photogénique et on s’arrête pour quelques clichés. Aussi, comme pour Yosemite, un nouvel arrêt, devant le panneau emblématique du parc national de Sequoia, s’impose. Personne, cette fois-ci, pour nous prendre en photo, mais ce n’est pas grave.
Le Tunnel Rock
Sur la Generals Highway, nous croisons le chemin du Tunnel Rock, ce rocher de granit qui forme un tunnel sur la route — celui-ci est désormais contourné pour plus de sécurité et pour garantir le passage des camping-cars. Au parc, nous stationnons notre véhicule sur un parking dédié à cet effet pour continuer à pied. Nous réalisons trois balades : Crescent Meadow Road, Moro Rock et General Chairman Tree Trail.
Crescent Meadow Road
La première, une large portion de Crescent Meadow Road, nous emmène voir de nombreux Sequoia géants dont l’arbre Booker T. Washington — dédié à la mémoire de Booker T. Washington, un chef de file de la communauté afro-américaine à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle — ou encore l’Auto Log. Ce dernier est tombé en 1917. Son diamètre dépasse les 6 mètres. Initialement, lorsque le Sequoia est tombé, la partie haute du tronc a été retirée de manière à pouvoir recevoir des véhicules et ainsi montrer au plus grand nombre à quel point les séquoias sont larges et robustes. Malheureusement, la pourriture de l’arbre mort ne permet plus de l’utiliser ainsi, et seules les personnes sont autorisées à marcher dessus. Nous rencontrons plusieurs petits animaux tels que des écureuils et autres rongeurs. Ce n’est pas rare de croiser leur chemin au parc national de Sequoia…
Moro Rock
La seconde balade, Moro Rock, nous invite à nous promener dans la forêt. Nous sommes maintenant au milieu des arbres et nous allons monter une grande série d’escaliers. Tout en haut, nous pourrons accéder à la partie la plus haute d’un rocher qui culmine à 2050 mètres d’altitude ! Depuis ce point, la vue peut atteindre jusqu’à 240 kilomètres à l’horizon sur une journée claire.
Une vue imprenable !
La montée prend un peu de temps, mais nous l’apprécions, aussi bien pour l’effort physique nécessaire (plus de 350 marches) que pour la beauté des paysages (la vue sur les sommets de la High Sierra) que l’on peut voir après seulement quelques marches. Tout en bas, des panneaux expliquent clairement que les personnes souffrant de problèmes cardiaques ou toute autre symptôme qui pourrait s’avérer gênant durant l’ascension sont invitées à rester là. On nous incite également à prendre de l’eau avant d’envisager de monter.
Détachement de masse
Les premières marches, en bois à l’époque, ont été réalisées en 1917. En 1931, elles ont été remplacées par d’autres en béton pour des raisons de sécurité et pour les intégrer à la roche de granit. Arrivés en haut, nous sommes heureux d’avoir réalisé ce défi sportif. Surtout, nous ne regrettons pas : la vue est indéniablement à la hauteur des efforts fournis.
Différents panneaux expliquent l’histoire du sommet, ce que l’on peut observer d’ici et diverses informations liées au Moro Rock. On apprend notamment que le rocher étant en granit, petit à petit, la masse qui le compose se fend. D »énormes plaques se détachent alors. Ainsi, lorsqu’une couche se décolle, elle libère le granit qui se trouve en dessous. La couche suivante sera exposée à la même situation. Elle risquera, à un moment donné, de se dilater et se séparer de la roche mère à son tour. Cet événement rétrécit progressivement Moro Rock.
La pollution, encore et toujours…
Un autre panneau nous informe sur la manière dont la pollution — des industries, procédés agricoles et gaz d’échappements notamment — a remplacé la fumée des incendies de forêt — aujourd’hui maîtrisés — pour altérer non seulement la vue depuis Moro Rock mais aussi et surtout le développement des plantes et des animaux alentours. Bien que nous nous mettions de côté à plusieurs reprises pour laisser monter d’autres visiteurs qui n’ont pas encore découvert le sommet, la descente est plus rapide.
Américains ou Français ?
Une fois en bas, alors que nous nous éloignons du monstre de granit, des touristes se mettent à faire beaucoup de bruit alors que le calme et le silence sont de mise ici. Nous sommes près du circuit Crescent Meadow et Sarah me lance un regard accompagné par « Ah, ces Américains… ». J’écoute attentivement ce qu’il se raconte et lui répond « Ce sont des Français Sarah, des Français ! ».
Crescent Meadow
Enfin la troisième et dernière balade que nous réalisons au parc national de Sequoia nous permet de voir la plus grosse espèce vivante de nos yeux : le séquoia géant General Sherman. Il mesure 84 mètres de hauteur, 31 mètres de diamètre au sol et 11 mètres de diamètre au niveau du tronc. Si le voir est une découverte intéressante, le nombre de visiteurs tout autour dénature un peu l’expérience. Je suis content d’avoir ce mastodonte devant moi, mais des sentiments bien supérieurs m’animent lorsque je me balade, seul avec Sarah, dans Giant Forest, cette forêt de séquoias où je me sens infiniment petit à côté de ces arbres de plusieurs centaines d’années.
Un vieil arbre
Cette balade nous conduit aussi à nous intéresser au Parker Group, au Sentinel ou encore aux Tough Twins. Une “tranche” de tronc attire aussi notre attention. Il s’agit d’une dalle issue de la souche d’un séquoia géant qui raconte une histoire au sujet du feu et de la survie des arbres. Les anneaux de croissance ici présents nous montrent que l’arbre a vécu environ 2 210 ans. Il présente notamment des marques qui montrent qu’il a affronté au moins 80 feux différents qui étaient suffisamment chauds pour laisser des cicatrices. Les séquoias les plus âgés survivent à tout, sauf aux incendies les plus chauds. En effet, leur écorce épaisse leur permet bien souvent de ne pas succomber à la chaleur. Celle-ci contient suffisamment peu de sève et n’est donc pas très inflammable.
Un long voyage de noces
Avant de quitter le parc national de Sequoia, nous rencontrons encore quelques biches ici et là. Nous prenons garde à ne pas les déranger et retrouvons notre Mitsubishi alors que le soleil commence à décliner lentement. Sur la Generals Highway, nous nous arrêtons à deux ou trois reprises pour prendre une série de clichés. Durant l’un de nos arrêts, nous observons un couple en van qui s’est marié il y a déjà près d’un an et qui a décidé de faire le tour du monde en guise de voyage de noces. Nous aimons l’idée et décidons de les suivre sur les réseaux sociaux.
La découverte, ça creuse l’appêtit !
Le couché de soleil se précise et nous avons besoin de manger un morceau avant de rejoindre notre AirBnB pour la nuit. Par chance, nous tombons sur une pizzeria au bord de la route. Alors que nous nous approchons, Alan Jackson chante « Don’t Rock The Jukebox » dans les haut-parleurs situés sur la terrasse de l’établissement. Lorsque nous entrons, la climatisation souffle fort. Nous passons commande pour une pizza chacun, bien méritée. Nous mangeons ensuite sur les airs de Keith Whitley, Garth Brooks et Joe Diffie. Une Ford Mustang de dernière génération vient se garer devant le restaurant, et nous repartons pour les quelques kilomètres qu’il nous reste à parcourir pour rejoindre notre AirBnB dans les hauteurs de Three Rivers.
Notre AirBnB à Three Rivers
Celui-ci est tout simplement époustouflant. Mike, notre adorable hôte, travaille en tant que Ranger au parc national de Sequoia, près d’ici. Il est d’origine espagnole et a grandi ici, en Californie. Il possède une maison absolument sublime dans les collines, dont il loue la partie supérieure. Cette dernière comprend un salon, une véranda, une cuisine, une salle de bain et une chambre. L’étage est très moderne, mais allie subtilement le bois (murs, poutres apparentes au plafond, tables, meubles) avec des objets du quotidien très modernes (TV, réfrigérateur, four, etc.) et quelques plantes bien choisies.
Le Wi-Fi n’est pas ici une option, le but étant de se couper du monde le temps d’une nuit. Nous allons donc nous reposer et, pendant que j’écris sans publier l’article sur mon blog, Sarah regarde un livre de photos à disposition.
Aujourd’hui, entre Mariposa Grove et le parc national de Sequoia, nous avons parcouru 20 000 pas soit 16,8 km, 270 kilomètres en voiture et pris 301 photos.